TightropeWalker

Silent Night

Lundi 28 juin 2010 à 16:56


" Il y a un pantin qui traîne dans une salle oubliée, au fond d'un couloir sinistre. On ne sait depuis combien de temps il est là. Mais il y est bel et bien. Et il ne bouge pas. Il ne peut pas. Peut-être le veut il. Mais en tout cas, cela lui est impossible. Il y a des noeuds dans les ficelles qui lui permettent de se mouvoir. Il traine en tas par terre recouvert d'une couche de poussière. Les membres entassés. Les yeux vides.

Et pourtant ils sont grand ouverts. Ils fixent sans fin, sans cesse, les murs autour de lui. Jusque là rien n'a jamais bougé. Mais on ne sait jamais. Si quelque chose change, il le saura. Alors ce quelque chose pourra vraiment exister. Et peut être que, pourquoi pas après tout, ce quelque chose se sentira redevable envers le pantin abandonné, et qu'elle le regardera. Qu'elle le rendra vivant. Lui aussi aura le droit d'exister.

Mais plus les jours passent et moins il y croit. Sans doute parce qu'il ne les voit pas passer. Le temps se dilue à l'infini dans sa bulle d'oubli. Les fenêtres sont obstruées par des années de souvenirs. Qu'il fasse jour ou qu'il fasse nuit, il ne voit aucune différence. Alors il regarde les murs. Des ombres qui dévorent à pleines dents les défauts de la tapisserie. Trop usée, trop fatiguée, elle n'offre aucune résistance. Ce n'est qu'une mise en bouche. Elles tournent, elles tournent, elles tournent les images qui défilent sans cesse tissant l'intrigue du film que personne d'autre que lui ne verra. Une licorne à 3 pattes embrochant l'ombre floutée et déformée attirera l'oeil du spectateur étourdi. Et le sang qui coule sans cesse de la plaie dessine sa propre histoire. Les tâches rouges qui se répandent en spasmes sur les murs n'hésitent pas à choquer leur public. Les monstres naissant ainsi des abimes d'un silence figé peuvent alors se jeter sur les proies disponibles. Et la licorne mourra, piétinée. Le sang versé par la victime devient bourreau et quand tous les défauts présents auront disparu on attaquera les spectateurs.

Le film jamais ne s'arrête. La bande jamais ne casse. La pièce vit en autarcie et la musique de fond tourne en boucle. Générique d'ouverture. Mais jamais l'action de ne se lance ou ne finit. Et toujours le bruit de la tête qui roule, rebondissant en écho sur les murs. "

www.lexode.com/histoires/le-pantin-desarticule,30125.html

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